Notifications, bien-être et cyberdépendance.

Dans un monde où les notifications mobiles rythment notre quotidien, de nombreuses recommandations suggèrent de les désactiver pour améliorer le bien-être numérique et réduire l’usage excessif du smartphone. A l’OPSN, nous vous avons d’ailleurs invité à adopter cette stratégie pour réduire votre usage numérique et lutter ainsi contre la cyberdépendance.

Pourtant, peu d’études empiriques ont évalué l’efficacité réelle de stratégie.

Une étude récente vise à combler cette lacune en analysant les effets d’une intervention de désactivation des notifications sur le comportement des utilisateurs et leur bien-être numérique.

On vous explique.

notifications et bien être

Contexte et hypothèses

Les smartphones sont devenus omniprésents dans notre vie quotidienne, avec une moyenne d’utilisation dépassant quatre heures par jour. Pourtant, de nombreuses personnes expriment un sentiment de perte de contrôle et une impression de surutilisation de leur appareil.

La désactivation des notifications est souvent avancée comme une solution efficace, bien que son efficacité ne soit que rarement testée scientifiquement.

L’étude s’appuie sur plusieurs hypothèses :

  • L’intervention aurait un impact sur le comportement et l’attitude:
  1. La désactivation des notifications réduirait la fréquence de vérification et le temps d’écran.
  2. Cet effet pourrait être influencé par le Fear of Missing Out (FoMO), c’est-à-dire la peur de manquer des informations importantes.
  3. L’intervention aurait un impact sur l’expérience subjective
  • L’intervention expérimentale renforcerait la perception de contrôle sur l’usage du smartphone:
  1. Elle diminuerait le sentiment de surutilisation et l’habitude de vérification compulsive.
  1. Elle réduirait la vigilance numérique (c’est-à-dire la tendance à surveiller en permanence les mises à jour en ligne).
  2. Elle améliorerait la productivité et réduirait les distractions liées au smartphone.
  3. Toutefois, elle pourrait aussi accroître le FoMO, en générant une angoisse de manquer des notifications ou des mises à jour en ligne.

Méthodologie

L’étude repose sur un essai contrôlé randomisé impliquant 205 participants. L’objectif était d’évaluer si la suppression des notifications influençait l’usage du smartphone (fréquence de vérification et temps d’écran) et la perception subjective de cet usage (contrôle, distraction, productivité, dépendance, etc.).

L’étude a été menée sur une période de trois semaines, comprenant une semaine de mesure de référence, une semaine d’intervention et une semaine post-intervention. Les participants ont été répartis en deux groupes :

  • Groupe expérimental : les participants devaient désactiver toutes leurs notifications (sauf celles de l’application de recherche).
  • Groupe contrôle : aucun changement dans la gestion des notifications.

Les chercheurs ont collecté des données de deux manières :

  1. Suivi objectif des usages via une application installée sur les smartphones des participants (enregistrement du nombre de vérifications, du temps d’écran et des notifications reçues).
  2. Évaluations subjectives quotidiennes via des journaux mobiles, où les participants répondaient à des questions sur leur expérience de l’usage du smartphone.
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Résultats

Absence d’effet sur l’usage du smartphone

Contrairement aux attentes, la désactivation des notifications n’a pas réduit la fréquence de vérification ni le temps d’écran. Les utilisateurs continuaient d’utiliser leur smartphone autant que d’habitude, ce qui suggère que les notifications ne sont pas la seule cause de l’usage intensif. Ce résultat va à l’encontre de l’idée selon laquelle les notifications sont le principal moteur de l’addiction au smartphone.

De plus, la peur de manquer des informations (FoMO) n’a pas influencé la fréquence d’utilisation du smartphone. Les utilisateurs souffrant d’un FoMO élevé n’ont pas eu un comportement différent de ceux ayant un FoMO faible.

Effets mitigés sur l’expérience subjective:

  • Pas d’amélioration du contrôle perçu ni de la productivité
    Les participants n’ont pas ressenti une meilleure maîtrise de leur utilisation du smartphone. De plus, la suppression des notifications n’a pas conduit à une amélioration significative de leur productivité ou à une réduction des distractions.
  • Réduction de l’habitude de vérification
    Un effet positif a été observé : les utilisateurs ont signalé une diminution de leur comportement de vérification compulsive. Cela signifie que leur utilisation du smartphone était perçue comme plus intentionnelle et moins automatique.
  • Pas de diminution de la vigilance numérique
    La vigilance numérique (le fait de rester attentif aux mises à jour et aux informations en ligne) n’a pas été affectée. Même sans notifications, les utilisateurs continuaient à penser à leur smartphone et à vérifier leurs applications.
  • Augmentation du FoMO
    L’absence de notifications a renforcé la peur de manquer des informations importantes. Les participants ont déclaré se sentir plus anxieux à l’idée de ne pas être au courant des dernières informations ou des nouveaux messages.

Discussion et implications

Pourquoi la désactivation des notifications ne fonctionne-t-elle pas ?

L’un des enseignements majeurs de cette étude est que les notifications ne sont peut-être pas le moteur principal de l’usage excessif du smartphone.

L’habitude de consulter son téléphone semble ancrée de manière plus profonde et ne dépend pas uniquement des stimuli externes. Même sans notifications, les utilisateurs continuent de consulter leur smartphone fréquemment.

Ces résultats remettent en question l’efficacité des conseils qui encouragent simplement à désactiver les notifications pour réduire l’addiction au smartphone.

Il est possible que d’autres facteurs, comme les normes sociales (attente de réponses rapides aux messages), les designs persuasifs des applications et les motivations personnelles, jouent un rôle plus important.

Une intervention insuffisante ?

L’étude suggère que la désactivation des notifications seule ne suffit pas pour modifier en profondeur le comportement des utilisateurs. Un changement plus durable nécessiterait probablement des interventions plus globales, combinant plusieurs stratégies :

  • Des limitations plus strictes de l’usage du smartphone (ex. : mise en mode avion, application de temps d’écran).
  • Une meilleure sensibilisation aux habitudes numériques et aux déclencheurs inconscients de l’usage du téléphone.
  • Des interventions plus longues permettant aux utilisateurs de réellement modifier leurs comportements.

L’importance de l’habitude

Les résultats montrent que les utilisateurs se sont sentis moins enclins à vérifier compulsivement leur smartphone, suggérant qu’une suppression prolongée des notifications pourrait, sur le long terme, favoriser une utilisation plus intentionnelle. Toutefois, le fait que leur temps d’écran n’ait pas diminué montre que la consultation du smartphone est profondément ancrée dans leur routine.

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Conclusion

L’étude Beyond the Buzz apporte un éclairage sur l’impact réel des notifications sur l’usage du smartphone et le bien-être numérique.

Contrairement aux idées reçues, désactiver les notifications ne semble pas réduire ni la fréquence d’utilisation du smartphone ni le temps d’écran. De plus, cette intervention peut entraîner un effet indésirable en augmentant le FoMO.

Cependant, la suppression des notifications semble aider à rendre l’usage du smartphone plus intentionnel, ce qui pourrait être un premier pas vers une meilleure gestion du temps d’écran. Pour obtenir des résultats plus significatifs, il serait nécessaire d’explorer des stratégies combinées et des interventions plus longues.

Des études complémentaires sont donc nécessaires pour déterminer le rôle réel des notifications dans les usages problématiques de nos smartphones. Celles-ci devront notamment étudier un plus grand nombre de participants et sur une plus longue durée.

En somme, la désactivation des notifications ne constitue pas une solution miracle, mais elle doit continuer à être envisagée comme une aide à mieux contrôler ses usages numériques. L’enjeu du bien-être numérique repose sur un équilibre plus large entre technologie, habitudes et régulation personnelle.