Le sommeil des ados et les réseaux sociaux

Une étude internationale s’est très récemment intéressée aux impacts des réseaux sociaux sur le sommeil des adolescents espagnols.

Même si cette question semble avoir déjà été tranchée par de nombreuses études scientifiques, il nous semblait important de présenter une étude validant les liens entre usage des réseaux sociaux et troubles du sommeil .

On fait le point.

Réseaux sociaux et sommeil

Le sommeil joue un rôle essentiel dans le développement physique et mental des adolescents. Il est crucial pour la régulation des émotions, la consolidation de la mémoire et la performance cognitive. Cependant, au cours des dernières décennies, les troubles du sommeil chez les jeunes sont devenus de plus en plus fréquents. En effet, entre 10 % et 40 % des adolescents souffrent de problèmes de sommeil, avec une prévalence plus élevée chez les filles.

Parmi les multiples facteurs qui influencent la qualité du sommeil des adolescents, l’usage des réseaux sociaux (RS) et des applications de messagerie est de plus en plus pointé du doigt. L’augmentation du temps d’écran, en particulier en soirée et la nuit, retarde l’endormissement et altère la qualité du sommeil.

En Espagne, 91 % des adolescents âgés de 8 à 17 ans utilisent régulièrement les réseaux sociaux, souvent sans que leurs parents aient une réelle perception de leur consommation. En France, 86% des 8-18 ans possèdent un compte sur au moins un réseau social.

Ce phénomène favorise l’apparition de comportements addictifs, caractérisés par une perte de contrôle, une nécessité d’augmentation du temps d’utilisation et un impact négatif sur les autres aspects de la vie quotidienne.

L’objectif de cette étude est d’examiner la relation entre l’usage des réseaux sociaux, les comportements addictifs liés à ces plateformes et les troubles du sommeil chez les adolescents espagnols.

Échantillon et conception de l’étude

Méthodologie

L’étude repose sur une analyse transversale réalisée dans le cadre du projet Eating Healthy and Daily Life Activities (EHDLA). Un total de 632 adolescents âgés de 12 à 17 ans, issus de trois établissements secondaires de la région de Murcie (Espagne), ont été interrogés sur leur usage des réseaux sociaux et leurs habitudes de sommeil.

Les critères d’inclusion étaient les suivants : être âgé de 12 à 17 ans, résider dans la région étudiée, avoir l’accord parental pour participer à l’étude.

Reseaux sociaux et sommeil

Mesure de l’usage des réseaux sociaux

Les participants ont été interrogés sur leur utilisation des plateformes suivantes : Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat et TikTok, ainsi que de l’application de messagerie WhatsApp. L’intensité de l’utilisation a été évaluée selon une échelle de consommation allant de 0 (rarement utilisé) à 4 (utilisation très élevée).

Évaluation des comportements addictifs

L’étude a utilisé l’échelle SNAddS-6S, qui identifie six symptômes d’addiction aux réseaux sociaux :

  • Tolérance : besoin croissant d’utiliser les RS pour ressentir du plaisir
  • Sevrage : stress ou anxiété en cas d’impossibilité d’y accéder
  • Prépondérance : préoccupations envahissantes liées aux RS
  • Modification de l’humeur : usage des RS pour soulager des émotions négatives
  • Conséquences: impact négatif de l’usage sur les relations et activités quotidiennes
  • Rechute : tentatives infructueuses de réduire l’utilisation

Évaluation des troubles du sommeil

Les problèmes de sommeil ont été mesurés via l’échelle BEARS, qui évalue :

  1. Les difficultés à l’endormissement
  2. La somnolence diurne excessive
  3. Les réveils nocturnes fréquents
  4. L’irrégularité et la durée du sommeil
  5. Le ronflement

Facteurs de contrôle

L’analyse statistique a été ajustée en fonction de plusieurs variables :

  • Âge et sexe
  • Indice de masse corporelle (IMC)
  • Niveau socio-économique
  • Activité physique
  • Habitudes alimentaires (adhésion au régime méditerranéen)

Résultats

Corrélation entre l’usage des réseaux sociaux et les troubles du sommeil

Les résultats montrent que plus les adolescents utilisent les RS, plus ils sont susceptibles d’avoir des troubles du sommeil.

  • Une utilisation accrue des RS est associée à une augmentation des problèmes de sommeil (PR = 1.04 ; IC 95 % 1.01–1.07 ; p = 0.015).
  • Parmi les différentes plateformes analysées, Twitter est celle qui présente la plus forte corrélation avec les troubles du sommeil (PR = 1.10 ; IC 95 % 1.01–1.21 ; p = 0.035).
Reseaux sociaux et sommeil

Impact des comportements addictifs sur le sommeil

Les adolescents présentant des symptômes addictifs sont encore plus susceptibles d’avoir des troubles du sommeil :

  • Modification de l’humeurPR = 1.58 ; p < 0.001
  • SevragePR = 1.28 ; p = 0.004
  • RechutePR = 1.24 ; p = 0.004
  • ConflitPR = 1.19 ; p = 0.037

Facteurs explicatifs possibles

  1. Retard de l’heure du coucher
  2. L’usage excessif des RS prolonge l’exposition aux écrans le soir, retardant l’heure d’endormissement.
  3. Hyperstimulation cognitive et émotionnelle
  4. Les contenus des RS (publications, interactions sociales) activent le cerveau et rendent plus difficile la relaxation avant le sommeil.
  5. Impact des écrans sur la production de mélatonine
  6. La lumière bleue des écrans perturbe la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil.

Discussion

Une addiction numérique préoccupante

Les résultats confirment que l’addiction aux RS est un facteur aggravant des troubles du sommeil chez les adolescents. Plusieurs études antérieures ont démontré que les plateformes conçues pour maximiser l’engagement entraînent une augmentation du temps d’écran, au détriment du sommeil.

Un effet différencié selon les plateformes

Twitter semble être la plateforme ayant le plus d’impact sur le sommeil. Cela pourrait s’expliquer par la fréquence des mises à jour, les algorithmes qui favorisent les contenus suscitant des émotions intenses et le besoin de rester constamment informé (phénomène de Fear of Missing Out).

Un enjeu de santé publique

Les adolescents étant particulièrement vulnérables à l’addiction aux RS, il devient impératif de mettre en place des programmes de sensibilisation pour limiter leur usage nocturne et promouvoir une hygiène numérique saine.

Conclusion et recommandations

Principaux enseignements

  • Les réseaux sociaux affectent directement la qualité du sommeil des adolescents.
  • Les comportements addictifs sont un facteur aggravant des troubles du sommeil.
  • Twitter est la plateforme la plus associée aux problèmes de sommeil.
Réseaux sociaux et sommeil

Actions recommandées

  1. Encadrer le temps d’écran
  2. Fixer des limites horaires pour l’usage des RS, notamment en soirée.
  3. Sensibiliser les adolescents et les parents
  4. Organiser des ateliers éducatifs sur les impacts du numérique sur la santé.
  5. Promouvoir une bonne hygiène de sommeil
  6. Encourager des rituels du coucher sans écran (lecture, relaxation).
  7. Mettre en place des politiques publiques adaptées
  8. Intégrer l’éducation au numérique et au sommeil dans les programmes scolaires.

Conclusion finale

Les résultats de cette étude soulignent l’urgence d’une prise de conscience collective sur les effets des réseaux sociaux sur le sommeil des adolescents. Une régulation plus stricte et une meilleure éducation aux usages numériques sont essentielles pour protéger leur bien-être et leur santé mentale.